Au-delà des conséquences sanitaires, le Covid-19 engendre de profondes réflexions sur nos modèles économiques et nos modes de consommation. À l’heure où beaucoup de pays dépendent d’importations, la question de l’autosuffisance alimentaire se pose. C’est le cas dans notre région. Que se passerait-t-il pour nos populations insulaires si les pays exportateurs limitaient les approvisionnements ? Et comment faire face à une hausse des prix des denrées agricoles ?

Un nouveau défi pour la sécurité alimentaire des Petits États insulaires en développement

C’est un fait, les îles de l’Indianocéanie dépendent fortement des importations. Or, ces importations sont lointaines et coûteuses. Et elles ont une forte empreinte carbone. À l’heure actuelle, le commerce agricole intra-régional ne représente que 4% des importations.

Cette pandémie, qui affecte le commerce mondial, rappelle combien nos États insulaires sont dépendants des importations alimentaires. Nos populations ne sont pas à l’abri de l’insécurité alimentaire.  Cette pandémie nous amène à repenser les modèles existants notamment pour réaliser l’Objectif de développement durable 2 : « Faim zéro ». Dans ce contexte de crise et de doutes, la COI repense son action à l’aune des besoins qui s’annoncent. La pandémie de Covid-19 ajoute de l’urgence à notre objectif prioritaire de sécurité alimentaire et nutritionnelle. – Hamada Madi, Secrétaire général de la COI

La sécurité alimentaire était, bien avant le Covid-19, une priorité pour notre région. Pour rappel, on parle de sécurité alimentaire quand les populations ont accès à de la nourriture saine et nutritive et en quantité suffisante.

Avec les fermetures de frontières impactant l’import-export et le ralentissement économique général, les chaines d’approvisionnement alimentaire sont fortement perturbées. Les populations craignent une pénurie alimentaire, en témoignent les panic buying.

Quels effets de la pandémie sur la demande alimentaire ?

Perte ou baisse des revenus

Baisse de la consommation

Confinement

Effets négatifs sur la production agricole qui pourraient impacter les prix

Exportations/Importations ralenties

Risques pour les denrées périssables

Mesures sanitaires dans les usines

Ralentissement de la production

Arrêt des exportations

Risque de pénurie pour les pays dépendants

Produire régionalement, consommer régionalement.

Les réflexions liées au Covid-19 amènent à se rendre à une évidence : de nouveaux circuits alimentaires sont nécessaires. Et pour les îles de l’Indianocéanie, ils doivent être régionaux.

L’objectif serait d’arriver à un système régional équitable et inclusif de production et de commercialisation de denrées alimentaires. Certes, les défis sont nombreux : normes sanitaires, coûts, capacités de stockage et de circulation, etc. C’est là tout l’intérêt du PRESAN qui offre un cadre global d’intervention, pour les acteurs publics, privés et communautaires, dans le domaine agroalimentaire. Pour la COI, la FAO et le FIDA, le PRESAN permet de répondre aux enjeux sociaux, économiques, environnementaux et sanitaires sous-jacents. – Véronique Espitalier-Noël, chargée de mission responsable des dossiers sécurité alimentaire et pêche

Pour l’Indianocéanie, la sécurité alimentaire se nourrit de coopération

Les îles de l’Indianocéanie ne pourront pas atteindre, individuellement, l’autosuffisance alimentaire. Ensembles, elles peuvent toutefois privilégier coopération et échanges inter-îles.

Dans cette démarche de sécurité alimentaire, la PReRAD (Plateforme régionale en recherche agronomique pour le développement de l’océan Indien) constitue un appui additionnel indispensable. Ce réseau, coordonné par le CIRAD, mobilise la recherche au service d’une agriculture durable, adaptée à nos îles. Elle contribue directement à l’amélioration des rendements, à l’adaptation aux effets du changement climatique, à la préservation de la biodiversité ou encore à la fertilisation des sols.

Le “programme régional d’appui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle” financé par le 11ème FED à hauteur de 16 millions d’euros mettra en œuvre cette coopération : la PReRAD et le CIRAD en seront des partenaires actifs.

La pêche au service de la sécurité alimentaire

La pêche reste un secteur moteur de nos îles : elle contribue directement à la sécurité alimentaire des populations. En effet, elle est à la fois source de revenus mais aussi d’alimentation.

À cela s’ajoutent nos actions dans le domaine des pêches. Nos projets SWIOFish 1 et 2 financés par la Banque mondiale et Ecofish financé par l’Union européenne promeuvent une pêche durable. Nous soutenons la gouvernance des filières, la pêche artisanale, la surveillance des pêches ou encore la gestion durable des ressources. Les produits de la pêche participent directement à la sécurité alimentaire de nos populations comme aux économies de nos pays.

L’après-Covid : vers un nouveau modèle

Cette pandémie pourrait conduire à des modèles économiques repensés, régionalisés débouchant sur des projets concrets inter-îles en faveur de l’autosuffisance alimentaire. Dans ce cadre, les îles de l’Indianocéanie ont une carte à jouer. Un circuit régional pourrait donc être une réponse concrète à l’ODD 2, “Faim zéro”.

L’après-Covid pourrait marquer la dynamisation de la production et du commerce des denrées alimentaires produites dans la région pour la région. Véronique Espitalier-Noël, chargée de mission responsable des dossiers sécurité alimentaire et pêche