Interview avec M. Laurent Labbé

Laurent Labbé est responsable du projet Hydromet à  la Direction InterRégionale pour l’Océan Indien Etudes & Climatologie de Météo France.

En quoi le changement climatique dans les territoires de l’Indianocéanie est-il un enjeu décisif ?

L’enjeu est décisif car le changement climatique provoque des impacts en cascade sur chacun des territoires et au niveau régional : des mers plus chaudes entraînent un risque de blanchiment des récifs coralliens influant sur la pêche.  Une augmentation des températures, les inondations plus fréquentes ou à l’inverse des périodes de sécheresse posent de réels défis pour l’agriculture et la sécurité alimentaire.

Le changement climatique concerne tout le monde mais il a des multiples conséquences sur le bassin sud-ouest de l’océan Indien du fait de sa géographie et de sa topographie spécifique par rapport aux autres bassins comme celui de l’Atlantique et du Pacifique. La température de la surface de la mer, qui est un déterminant majeur du climat régional, est susceptible de voir certaines de ses caractéristiques, comme le Dipôle de l’océan Indien, évoluer significativement.

L’Indianocéanie est la 3ème région la plus exposée aux risques de catastrophes naturelles. Plus de 14 millions de personnes sont directement concernées par ces risques…

Les enjeux d’adaptation aux effets du changement climatique sont d’autant plus importants que le coût de l’inaction peut peser lourdement sur les équilibres économiques : 17,2 milliards de dollars, c’est le coût économique estimé sur les trente dernières années dans la région. C’est pourquoi il est essentiel que les pays et la région développent les moyens permettant de fournir aux acteurs économiques des informations climatiques pertinentes pour accompagner les actions d’adaptation à différentes échelles.

Il faut donc une coopération régionale inédite, comme pour le projet Hydromet ?

La singularité du projet Hydromet réside à 2 niveaux : son montant inédit de 71M$ et son approche multidimensionnelle de la gouvernance via des composantes structurelles aux bénéficiaires, à la diffusion de services climatiques aux usagers, en passant par l’approche scientifique et technique. Cela afin de garantir des impacts pérennes.

Les premiers bénéficiaires sont tout d’abord les services météorologiques de chaque territoire. Il est en effet essentiel de soutenir le développement autonome national car chaque île connait des besoins spécifiques. Parallèlement, le projet Hydromet va permettre la création d’un centre de climatologie régional propre à la COI. Ce centre permettra de mutualiser les fonctions nécessaires au développement et à la production de services à l’échelle de la région. Tout cela en permettant d’atteindre une masse critique indispensable pour perdurer sur le long terme.

Il faut noter que la coopération régionale existe déjà sous la forme du SWIOCOF. C’est un groupe de travail qui se réunit tous les ans. Il englobe chaque île de l’océan Indien mais également les pays riverains comme le Mozambique, l’Afrique du Sud, la Tanzanie et le Malawi. En d’autres termes, on sera bien seuls, mais meilleurs ensemble !

Comment est né le projet Hydromet ?

Hydromet est un projet initié par la COI soutenu par l’Agence française de Développement (AFD), l’Union européenne et le Fonds vert pour climat. Il poursuit un travail débuté il y a de nombreuses années. Pour rappel, un premier projet « Acclimate » avait été mis en oeuvre entre 2008 et 2012 par la COI avec l’appui du Fond Français pour l’Environnement Mondial (FFEM), l’AFD, le ministère français des Affaires étrangères et européennes (MAEE) et la Région Réunion. Son enjeu consistait en l’évaluation scientifique et les impacts économiques et environnementaux du changement climatique.

Puis d’autres projets ont vu le jour comme autant de briques qui apportaient à chaque fois une partie de la réponse. On peut citer le projet BRIO, également en partenariat avec l’AFD et Météo France. Ce projet apporte également sa contribution en termes de réponse à cet enjeu via la régionalisation des scénarios climatiques grâce au modèle ALADIN. Ces deux projets de la COI ont balisé la route vers Hydromet.

En complément, d’autres projets contribuent à renforcer la résilience des pays de la région au travers d’actions d’adaptation (projet GCCA+) ou de production de services d’alerte précoce (CREWS-IO). La richesse de ces initiatives témoigne de l’importance et de l’urgence à traiter de la problématique climatique et du soutien apporté en la matière par les opérateurs institutionnels des pays du Nord.

Qui seront les bénéficiaires de ces projets ?

Au-delà des partenaires scientifiques et techniques du projet lié à l’enjeu d’adaptation au changement climatique, les impacts vont toucher toutes les strates des sociétés de l’Indianocéanie : c’est la sécurité alimentaire, la santé, le tourisme, la pêche et bien d’autres secteurs économiques qui en bénéficieront. Ce sont donc les populations qui en profiteront.

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