Jonathan Neale COP21« Les emplois climatiques ont, par contre, un effet direct et concret sur les émissions de gaz à effet de serre »

Pour l’Anglais Jonathan Neale, coordonnateur mondial de la Campagne contre le changement climatique, la création d’emplois spécifiquement dédiés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la déforestation peut aider à atteindre les objectifs de la COP et plus encore à générer une croissance authentiquement durable. Ce sont les emplois climatiques. Selon ses estimations, ce sont 120 millions d’emplois climatiques qui peuvent être créés dans le monde, rapidement.

Propos recueillis par G.R.

Actuellement à Paris pour la COP21, vous étiez à Maurice du 5 au 8 novembre derniers dans le cadre du rendez-vous annuel « School of Ecology » organisée par l’ONG Centre for Alternative Research and Studies (CARES) sur le thème de la crise climatique. Vous y avez présenté votre campagne mondiale sur les “climate jobs” (emplois climatiques). Qu’est-ce que c’est au juste ? En quoi est-ce différent des emplois verts (green jobs) ?

Les emplois verts ont trait à de nombreux secteurs : la foresterie, la conservation de la nature, le nettoyage de site pollués, la gestion des déchets, l’éducation et la sensibilisation environnementale et encore tant de choses. Tous ces emplois sont utiles mails ils ne sont pas toujours directement et concrètement lié à la lutte contre le changement climatique.

Les emplois climatiques ont, par contre, un effet direct et concret sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous promouvons spécifiquement les emplois climatiques pour que tout le monde, dans le cadre d’un métier rémunéré, puisse aider à freiner le changement climatique.

Le réchauffement climatique est essentiellement dû à la combustion de ressources fossiles et à la déforestation. Les emplois climatiques doivent pouvoir offrir des alternatives à cela.

Nous souhaitons donc que les gouvernements s’engagent en embauchant immédiatement ou dans le très court-terme un large nombre de travailleurs climatiques. Nous ne voulons pas attendre que le marché créé ces emplois. L’objectif est ambitieux : il s’agit d’en finir avec les émissions de gaz à effet de serre et non d’en réduire seulement un certain pourcentage.

Pourquoi est-ce que ces “climate jobs” doivent-ils être portés par le secteur public? Le privé devrait aussi être sensibilisés et porteurs de tels type d’emplois…

En principe, un programme d’emplois climatiques ne doit pas reposer uniquement sur le secteur public. Il y a de la place pour une implication des coopératives, des petites et moyennes entreprises comme des grandes.

Cependant, dans certains pays comme en Angleterre par exemple, les campagnes en faveur des emplois climatiques ont largement promu leur création au sein du secteur public. La principale raison en est que ces pays ont encore de nombreux travailleurs dans les secteurs à forte émission carbone, comme les mines de charbon, les industries pétrolières et gazières. Or ces emplois sont menacés avec l’émergence progressive d’un monde à faible émission carbone. Nous souhaitons pouvoir promettre une reconversion à ces travailleurs qui pourraient perdre leur emploi et cela serait un message positif que de les diriger vers des emplois climatiques correctement rémunérés. Pour ce faire, soyons honnêtes, l’engagement des pouvoirs publics est indispensable.

Autre avantage d’un programme public d’emplois climatique, c’est que les projets s’étalent sur cinq à dix ans. Sous l’égide d’une autorité publique de gestion des emplois climatiques, les travailleurs pourraient passer d’un projet à l’autre et ainsi gagner en compétences et ainsi qu’en sécurité d’emploi.

Les Etats insulaires et plus généralement les pays du sud sont les premières victimes du changement climatique. Quels seraient le type d’emplois climatiques à promouvoir dans ces pays et plus particulièrement dans les îles ?

D’une manière générale, les emplois climatiques seront les mêmes d’un pays à l’autre. On peut les classer en quatre principaux secteurs qui contribueront à faire baisser drastiquement les émissions carbones au niveau mondial, à savoir :

  • La conversion des bâtiments existants en bâtiments à énergie positive et, dans le même temps, la construction de nouveaux bâtiments répondant à des normes énergétiques strictes ;
  • L’amélioration des transports en communs utilisant les énergies renouvelables en remplacement des voitures privées roulant à l’essence ;
  • La production d’énergie renouvelable avec la diffusion des technologies propres ;
  • Et enfin, les emplois qui visent à protéger et étendre les forêts tropicales.

Dans les îles, ce sera peut-être le secteur de la production d’énergie renouvelable, éolienne et marémotrice, par exemple qui pourrait se développer davantage.

Cela dit, il y a une différence nette entre les pays industrialisés et les pays en développement :

  • Dans les pays riches, les emplois climatiques  permettront une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre qui causent le changement climatique et, dans le même temps, une augmentation du nombre d’emplois, notamment pour les personnes au chômage.
  • Dans les pays du Sud, et notamment dans les îles, les bénéfices des emplois climatiques seront différents parce que ces pays, et plus particulièrement les îles, sont de faibles émetteurs. Les emplois climatiques aideront alors à créer une croissance propre et durable, bénéfique à tous. Ce seront aussi des emplois vertueux, qui répondront aux attentes des populations et contribueront positivement aux économies.

Les emplois climatiques ne garderont pas les pays en développement dans la pauvreté. Au contraire ! ils pourront emprunter un chemin nouveau vers un avenir plus serein.