Sur les collines austères de la commune malgache de Sarobatra, à quelques kilomètres de piste du fokontany (village) de Fialofa, des ouvriers sont à pied d’œuvre. Ayant préalablement altéré le flot de la rivière avec des sacs de sable ils sont en train de réhabiliter un ancien barrage hydroélectrique. D’ici l’année prochaine, la pico-centrale hydraulique qui s’érige en contrebas fournira de l’électricité à 200 ménages et 13 activités génératrices de revenus.
Mais ce projet co-financé à hauteur de 225 000 euros (soit 46.7% du coût total) par le programme ENERGIES diffère des autres initiatives de ce genre sur un point important : les turbines qui produiront l’électricité de la centrale ont été fabriquées localement, dans un atelier où sont formés des artisans et des apprentis dont la plupart sont issus de familles défavorisées.
La philosophie de l’Atelier Tsiky (Sourire) de l’Association PATMAD qui porte le projet de pico-centrale hydraulique en collaboration avec le Centre Ecologique Albert Schweitzer (CEAS) et l’Association des ingénieurs pour le développement des énergies renouvelables (AIDER) est claire fabriquer le maximum possible de pièces localement. Ainsi, turbines, pompes, séchoirs solaires et même des prototypes d’éoliennes sont produits dans le bruyant atelier de serrurerie métallique, de menuiserie bois et d’électromécanique situé à Ambatomirahavavy. L’un des six apprentis actuellement en formation à l’Atelier Tsiky explique que PATMAD va l’aider à trouver de l’emploi une fois son cycle de trois ans terminé.
Comme l’explique le directeur exécutif de l’Association PATMAD, Bako Andrianirinah, le fait d’avoir bénéficié d’une subvention sous le volet Appel à Propositions du programme ENERGIES « a permis à l’association, ainsi que ses partenaires techniques de mettre au point une pico-turbine hydraulique de plus grande puissance qui nous permettra de toucher beaucoup plus de bénéficiaires, en incluant de petits projets industriels ».
Le choix du site s’est fait suite aux propositions de l’Agence de développement de l’électrification rurale (ADER) « en fonction de certains critères propres au modèle de pico-turbine que l’Association PATMAD allait construire pour ce projet, notamment des turbines du type Banki, l’implantation de l’atelier de fabrication, le potentiel économique de la zone d’implantation, l’ accessibilité, etc. ».
Sur place, l’opérateur retenu par l’association, en l’occurrence Sagemcom, découvre grâce à des fouilles quasi-archéologiques que le canal d’amenée de l’ancien barrageconstruit en 1982 est largement intact. Une rare bonne surprise dans ce genre de chantier. Mais pour le reste – chambre de mise en charge, conduite forcée et le bâtiment de la centrale –il a fallu commencer quasiment à zéro. Qu’à cela ne tienne, une fois complétée la centrale aura un impact positif direct sur la vie des habitants de la commune de Sarobatra.
« L’électricité permettra non seulement l’éclairage de certains espaces communautaires, mais aussi et surtout le développement d’activités génératrices de revenus (AGR). Il s’agit notamment de permettre aux paysans qui sous-traitaient certains travaux comme le décorticage du riz de l’effecteur eux-mêmes sur place. Ce premier projet constituera un modèle que l’association espère répliquer dans d’autres zones », affirme Bako Andrianirinah. Un représentant par village sera chargé de démarcher des clients potentiels.
L’Association PATMAD a été confortée dans son approche par une visite de l’Atelier Tsiky organisée par le Ministère de l’Energie et des hydrocarbures à l’occasion de la Journée mondiale de l’énergie le 22 octobre dernier. « L’évènement a vu la participation de près de 150 personnes issues de diverses organisations intervenant dans le domaine du développement rural et relayé au niveau de tous les médias malgaches. Ce fut une consécration pour l’Atelier Tsiky et PATMAD dans la mesure ou les deux entités ont toujours un peu travaillé dans l’ombre. Pour féliciter l’association dans ses efforts, l’atelier a reçu des équipements dont elle ne disposait pas de la part du ministère de l’Energie. Cela n’aurait pas été possible sans la visibilité donnée par la COI. »
Cette reconnaissance aidera également PATMAD à se rapprocher d’un autre objectif cher à l’association, celui de positionner l’atelier Tsiky comme prestataire de référence sur le marché de la fabrication de turbines hydro-électriques au niveau local. « C’est un marché encore méconnu actuellement car aucune étude sur le sujet n’a été mené mais qui a de forte chance de se développer dans le moyen terme », estime Bako Andrianirinah.
L’Association PATMAD
Fondée par deux membres d’un groupe populaire engagé malagasy (MAHALEO), l’association a d’abord fait partie d’une autre association entre 1999 et 2013. Elle a pris son actuelle dénomination au mois de mars 2014 et depuis ses débuts, sa vision est de se positionner comme étant un organisme novateur du développement durable pour et dans le monde rural. A ce titre, PATMAD développe et diffuse des produits, des techniques et des technologies appropriées pour le développement durable du monde rural malgache, avec comme spécificité la valorisation des compétences et de la production locales.
Après avoir acquis de l’expérience dans le domaine de l’animation et de la sensibilisation en zones rurales, l’association a développé ses expériences dans des domaines plus techniques en bénéficiant de la construction et de la mise sur pied d’un atelier de serrurerie métallique, de menuiserie bois et d’électromécanique, fruit de sa collaboration avec l’organisation suisse CEAS. Depuis 2003, PATMAD s’est ainsi occupé de 12 projets alliant la technique à l’économie, et qui tournent autour de l’agro transformation, des technologies appropriées et des énergies renouvelables. Ces trois axes sont abordés à travers la Recherche / Innovation ; la Formation d’artisans, d’apprentis et de sécheurs; et la Production / Diffusion à grande échelle afin de maximiser les impacts.