Un pacte d’avenir pour la région
Message de Prof. Vêlayoudom Marimoutou, Secrétaire général de la COI
C’est un honneur véritable de devenir le 9ème Secrétaire général de la Commission de l’océan Indien. C’est un honneur que je dois à mon pays, la France, qui a proposé ma candidature et que je dois aux membres du Conseil des ministres qui m’ont nommé pour succéder à mon estimé prédécesseur, M. Hamada Madi, lors du 34ème Conseil des ministres de la COI le 6 mars 2020 aux Seychelles.
C’est un grand honneur et c’est une grande et noble responsabilité.
Nos îles du Sud-Ouest de l’océan Indien qui composent la COI sont les îles sentinelles de l’Afrique de l’Est. Elles émergent des flots à l’orée du continent et forment ainsi des territoires à l’interface des routes maritimes de l’Afrique à l’Asie. Les femmes et les hommes de ces îles ont créé les conditions sociales et économiques qui ont fait émerger un vaste système d’échanges transocéaniques qui perdurent aujourd’hui et qu’il nous faut redécouvrir dans une structure mondialisée renouvelée, parfois bouleversée, souvent mouvementée.
Écrire les nouveaux chapitres d’une histoire commune
Au-delà de la géographie, nous partageons une même histoire. Et nous avons de nouveaux chapitres à écrire ensemble, ceux de l’Indianocéanie et, au-delà, ceux de l’IndoPacifique, comme le montre le nouvel intérêt des pays asiatiques pour la zone. Pour écrire ces chapitres nouveaux, pour construire notre devenir commun, il nous faut passer plus de temps ensemble pour identifier dans nos différences ce qui nous rassemble, pour faire émerger ensemble des solutions collectives face à des défis communs.
La COI, l’expression d’une originalité et d’un avenir commun
La COI nous offre l’occasion de nous signifier au monde dans toute notre originalité. Cette représentation que nous avons de nous-mêmes et de nous dans le monde, doit nous permettre d’assumer un destin commun et assumer véritablement que nous avons une région pleinement à bâtir.
Notre espace recèle des réserves halieutiques et énergétiques vitales pour notre région et au-delà, il recèle des trésors de biodiversité. Il y a un agenda à construire, un agenda nécessairement collaboratif, coopératif, qui repose sur une stratégie d’authentique amitié, de solidarité et d’ouverture, entre nos îles, et aussi avec l’ensemble des pays de la région.
La COI travaille avec acharnement pour une construction solidaire et de développement durable de ce grand espace de l’Indianocéanie, en débordant sur bien des sujets sur les espaces de l’Afrique orientale et australe. Mes prédécesseurs ont posé des fondements d’une COI solide, à l’architecture rénovée et clairement définie, disposant de ressources humaines de qualité, qu’accompagnent de ressources financières provenant des États membres et de partenaires fortement pro-actifs. Il nous faut encore faire progresser la COI, car comme le souligne Héraclite, « une rivière n’est jamais la même rivière ».
Sécurité, climat et biodiversité, économie
Aussi, j’ai choisi de placer mon mandat sous le signe d’un triple faisceau d’enjeux :
- D’abord, la sécurité, m’inscrivant en cela dans le droit fil de l’action de mon prédécesseur et de la priorité de nos États membres :
l’Indianocéanie doit être un espace de liberté et de souveraineté respectueuse les unes des autres, et nous devons en assurer collectivement la sécurité pour que chacun puisse « avoir la liberté de souveraineté » et qu’aucune hégémonie ne s’installe dans la région. C’est un agenda commun avec une vision océanique pour la construction de cette liberté. C’est un agenda de surveillance maritime, de protection de nos espaces marins. Je souhaite qu’avec les États membres, les membres observateurs, les organisations régionales et les partenaires au développement nous approfondissions l’agenda d’intégration autour de la sécurité maritime.
- Ensuite, il y a l’impérieuse lutte contre le réchauffement climatique et pour la protection de la biodiversité.
Ce n’est pas le plus petit sujet. L’agenda climatique est absolument décisif pour le devenir de nos îles. Il est question de résilience, de résistance. Il est tout simplement question de la vie. Il y a un cadre de coopération internationale, il faut mobiliser à plein les financements et construire des stratégies communes avec l’ensemble des partenaires de la COI. L’agenda biodiversité est un agenda stratégique pour toute la région. Un des atouts de la région c’est le capital biodiversité. Ce n’est pas un capital artificiel, c’est un capital naturel. Il faut arriver à pleinement le valoriser pour qu’il y ait un retour sur les territoires et pour les populations.
- Enfin, le troisième enjeu est celui de l’économie.
La connectivité et les infrastructures physiques et numériques. La connectivité est essentielle parce qu’elle ouvre les possibles : les possibles de l’échange et de l’émerveillement, du commerce et de la rencontre, de la formation et de l’emploi. Les besoins d’infrastructure dans la région sont colossaux. Dans une zone composée de pays insulaires, la question de la connectivité des réseaux et de ses réseaux de transport est centrale, économiquement et politiquement. L’enjeu est de construire avec nos partenaires des infrastructures de transport et de communication de qualité, qui garantissent la libre circulation des personnes, de l’information et des biens, qui soient des projets soutenables économiquement et respectueux de la souveraineté des Etats sur le plan de la dette. La connectivité est le premier pilier de la stratégie économique qui doit être développée pour la région.
Cette triple priorité doit permettre à la COI de répondre aux enjeux du développement durable dans la région. Bien sûr, cette priorisation ne saurait ignorer les défis transversaux qui doivent créer les conditions de l’émergence de villes durables, ou plutôt d’îles durables : les énergies vertes, l’agroécologie, l’éducation et la formation, la santé, l’égalité, l’autonomisation des femmes et des jeunes et, au début de tout, la paix et la stabilité.
Réconcilier l’économie et l’écologie
La COI est porteuse d’une voix unique dans cette région du monde, à l’échelle africaine. Elle porte une voix insulaire, résolue à réconcilier l’agenda écologique et l’agenda économique. Cela en fait une organisation pleinement politique, au sens étymologique.
Avec la COI, nous devons sceller un pacte d’avenir avec des femmes et des hommes qui sont porteurs d’une identité forte et ouverte au monde, des femmes et des hommes soucieux de leur avenir et capable de réconcilier les continents. Nous devons avoir cette ambition pour notre jeunesse, pour les générations à venir. C’est une ambition politique pour la COI. C’est un axe stratégique. C’est une responsabilité quotidienne contre les risques, contre la relégation. Autrement dit, pour notre épanouissement.