Le Secrétaire général de la COI, Hamada Madi, a souligné l’importance de la coopération régionale dans le contexte de crise sanitaire. La pandémie de Covid-19 a pris pied dans l’Indianocéanie. La COI est mobilisée en soutien aux services nationaux de santé. Extraits de de l’entretien accordé à Jean-Marc Poché paru le 21 mars 2020 dans le journal “Le Mauricien”.

Les premiers cas de coronavirus sont apparus à Maurice après d’autres îles de la région. Quelle est la situation ?

C’est une situation de crise qui prévaut partout ! Les autorités nationales de la région sont toutes sur le pied de guerre. A la COI, nous le sommes nécessairement aussi. Depuis l’apparition du virus en Chine, le réseau SEGA One Health de la COI est en alerte. Les services de santé nationaux communiquent et échangent de l’information à travers ce réseau coordonné par notre unité de veille sanitaire (UVS). L’évolution de l’épidémie, devenue pandémie, a conduit la COI à élaborer un plan d’urgence en soutien aux États membres. Nous avons sollicité l’Agence française de développement (AFD) qui finance depuis une décennie notre action en santé publique pour qu’elle soutienne ce plan d’urgence développé dès début février par les membres de notre réseau SEGA One Health. Dans la foulée, je me suis rendu aux Comores et à Madagascar avec des experts de notre Unité de veille sanitaire (UVS). J’y ai rencontré les ministres des Affaires étrangères et de la Santé avec qui nous avons échangé sur les besoins et la réponse apportée par la COI.

Plan d’urgence

Que prévoit ce plan d’urgence ?

Les propositions de ce plan sont de renforcer les capacités fonctionnelles des services aux frontières, de mettre en place et équiper des centres d’isolement, de mobiliser des experts externes notamment pour le laboratoire et pour appuyer l’optimisation des centres d’isolement. Il vise aussi à former, en tant que de besoin, les professionnels de santé des États membres sur des thématiques en lien avec la réponse au coronavirus (équipes d’intervention rapide, identification et suivi des contacts, surveillance au niveau des centres de santé), à superviser le centre de vigilance aux frontières au niveau périphérique ou encore à renforcer les capacités diagnostiques dans les pays.

Ce plan est actuellement en phase de mise en œuvre. Il pourrait néanmoins être étendu en fonction des besoins de nos États membres.

Le plan d’urgence de la COI est donc complémentaire des dispositifs nationaux ?

Tout à fait. Les États sont souverains et disposent de leur plan opérationnel pour répondre aux différentes épidémies dont le Coronavirus. Toutefois, dans la zone COI, nous disposons justement du réseau SEGA One Health qui regroupe 250 professionnels de santé humaine et animale et qui permet aux États membres d’échanger les informations sanitaires. C’est un point crucial pour anticiper et gérer le risque.

Ce réseau permet aussi de renforcer les États membres, en fonction de leur besoin et de leur demande, que ce soit sur le plan technique ou sur le plan d’acquisitions de fournitures et d’équipements. Le réseau SEGA One Health de la COI est une sentinelle de santé publique régionale qui permet d’échanger les pratiques, les expériences incluant des missions d’expertise régionale pour appuyer un autre pays de la région, comme c’est le cas dans la gestion de ce coronavirus, plus particulièrement au bénéfice des centres d’isolement.

 Quelle forme devrait prendre la coopération entre les iles pour combattre ce virus ?

Le réseau SEGA One Health est le cadre premier de la coopération régionale en santé publique. Il a été mis en place à la suite de la déclaration des ministres de la Santé des Etats membres de la COI en 2006. Les États membres avaient appris la leçon du manque de coordination lors de l’épidémie de chikungunya en 2005-2006. Le réseau SEGA One Health est un instrument concret, utile et performant au service de la santé publique régionale.

Par exemple, il a été d’un appui significatif dans la gestion de la fièvre aphteuse à Maurice en 2016 ou encore de la peste pulmonaire à Madagascar en 2017. Je reste convaincu que le réseau SEGA One Health contribuera de manière effective à soutenir les efforts nationaux dans la gestion de cette crise de coronavirus au niveau régional.

Fonds SEGA One Health

Le dernier Conseil des ministres a approuvé la création d’un Fonds SEGA One Health. C’est justement pour mieux répondre aux risques comme le coronavirus ?

Oui, c’est pour mieux y répondre, de manière plus flexible, plus rapide. Le Fonds soutiendra la pérennisation du réseau SEGA One Health. C’est un instrument qui doit s’imposer durablement dans le paysage régional de santé publique.

Ce fonds sera constitué des contributions volontaires des États membres de la COI destinées à assurer le fonctionnement de l’Unité de Veille sanitaire (UVS) de la COI qui coordonne le réseau SEGA. Cette contribution financière fait partie des engagements pris par nos États dans la Charte du réseau SEGA signée en 2017 qui a institutionnalisé ce dispositif régional de surveillance et de riposte aux épidémies au niveau de notre région.

La décision de mettre en place le fonds SEGA One Health renforce la pertinence et la pérennisation de ses actions pour la sécurité sanitaire régionale et consacre la volonté de nos pays de s’approprier de ce mécanisme régional vital pour la sécurité de nos populations.

Actuellement, le fonctionnement de l’UVS-COI est, depuis sa création en 2009, soutenu par l’AFD au travers des projets RSIE. La mise en place du fonds SEGA One Health permettra, également, à la COI de diversifier les sources de financement en faveur de la santé publique puisque la possibilité sera offerte aux autres partenaires au développement d’y contribuer. Ce faisant, la COI pourra amplifier son action en santé publique, un domaine d’intervention qui, d’ailleurs, n’était pas prévu dans l’Accord de Victoria de 1984.

[…]

Vous arrivez à la fin de votre mandat comme secrétaire général. Avez-vous le sentiment du travail accompli ?

Il est bien trop tôt pour faire le bilan. L’heure est à l’urgence donc à l’action !